Rapport sur les concours de l’année 1926

Le 23 décembre 1926

René DOUMIC

ACADÉMIE FRANÇAISE

SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE

DU JEUDI 23 DÉCEMBRE 1926

RAPPORT SUR LES CONCOURS DE L’ANNÉE 1926

DE

M. RENÉ DOUMIC
SECRÉTAIRE PERPÉTUEL

 

 

 

MESSIEURS,

Un des thèmes, ou des lieux communs, les plus abondamment développés, ou ressassés, en ces années dernières, a consisté à dire que la guerre avait creusé, entre deux générations d’écrivains, un abîme. D’un bord à l’autre, on ne se reconnaissait plus, et d’ailleurs on ne voulait plus se connaître. Façons de penser, de sentir et d’écrire, tout ce qui datait d’avant la guerre était galamment invité à rentrer dans le néant. Théâtre, roman, poésie, toute cette littérature périmée devait faire place nette pour une autre, — à la veille de naître.

L’Académie française ignore ces faciles et fâcheux partis pris. Pas plus en littérature qu’ailleurs, elle n’admet qu’il y ait deux France. Elle envisage la littérature française dans sa continuité. Attentive à discerner, empressée à encourager tout ce qui lui paraît une promesse ou une espérance, elle ne se croit pas obligée pour cela de retirer à ceux, dont l’œuvre s’est une fois pour toutes inscrite au répertoire de l’esprit français, son estime et sa gratitude.

C’est ainsi que, pour mieux faire honneur à l’un des écrivains les plus célèbres, voire les plus populaires, d’avant-guerre, à tous les prix dont elle dispose elle en a ajouté un, qu’elle a créé tout exprès, un Grand Prix d’Académie, quelque chose comme une sur-récompense, qui prend toute sa valeur de son caractère exceptionnel, et qu’elle est heureuse d’adresser, en don joyeux et cordial, à ce maître de la gaieté qui s’appelle Georges Courteline.

Courteline ! À ce nom, qui sonne comme une invitation au rire, tout un peuple s’évoque, cocasse et falot, petits employés, petits rentiers, cavaliers et ronds de cuir pris dans le traintrain de leur vie quotidienne, dans la ronde de ces petites mésaventures qui les font risibles et touchants. La Goupille, le client sérieux et cette bonne gouape de Potiron ; Théodore, qui cherche des allumettes ; Lidoire et La Biscotte et La Guillaumette avec Croquebol, sous la pluie battante, dans l’inénarrable randonnée du Train de 18 h. 47 ; tous ces bonshommes, dont s’égaie la comédie de Courteline, nous sont aussitôt devenus familiers : c’est que nous retrouvions en eux les braves gens de chez nous, peints d’après nature, avec autant de vérité que de bonne humeur. Et leur peintre nous est tout de suite devenu cher pour cet art du récit rapide et ce réalisme narquois, et cette manière précise et concise, qui, elle aussi, est si bien de chez nous !

Cependant sur cette grisaille une figure se détache, haute en couleur, éclatante de santé, épanouie et joviale, cette figure en pleine lune de Boubouroche, dont ce n’est pas trop de dire que par son ampleur qui s’élargit jusqu’au type, par une sérénité qui à ce degré devient une philosophie, elle atteint au grandiose. Bon garçon et bon vivant, Boubouroche est confortablement installé dans un bonheur à sa convenance. Et puisque son bonheur repose sur ce dogme la fidélité de l’inconstante Adèle, c’est en vain que l’évidence s’offrira à lui sous les espèces du rayon lumineux qui filtre du placard accusateur : après cette chaude alerte, il n’en sera que plus fortement établi dans une confiance désormais inébranlable et qui, après tout, est quelque chose de beau en son genre. Quel nom le XVIIe siècle eût-il donné à ce Sganarelle de Boubouroche ? Courteline l’appelle une « poire », une bonne poire, savoureuse et juteuse. Je ne lui promets pas que le mot figurera en ce sens dans la prochaine édition du Dictionnaire. Mais, parmi nos meilleures traditions, il y a celle du rire français, fait d’observation et de belle humeur, malicieux sans méchanceté, railleur sans amertume et qui aide à vivre — comme une chanson de route aide à marcher. À Georges Courteline, héritier d’une lignée qui remonte aux auteurs de nos vieux fabliaux, l’Académie envoie son salut, pour avoir si bien su reprendre à son compte et perpétuer cette tradition de bon sens et de finesse, de gaieté franche et courageuse.

Voici, maintenant, non pas en contraste mais en regard, son accueil à la jeune littérature. Le choix qu’elle a fait de M. François Mauriac pour son prix du roman est à ce sujet très significatif. Elle a choisi M. Mauriac, non pas seulement parce qu’il est un écrivain de talent, mais parce qu’il est, parmi les jeunes écrivains, un des plus représentatifs, un de ceux en qui s’expriment le mieux les tendances de la littérature d’après la guerre. Pour lui aussi, elle a légèrement modifié son usage ; ce n’est pas un livre qu’elle a couronné, mais une œuvre : elle a tenu à ce que son prix du roman allât incontestablement à un romancier.

Car on peut avoir fait un bon roman et ne pas être romancier. Brunetière avait coutume de dire : Tout le monde peut faire un bon roman : la difficulté commence au second. » Ce qui n’est pas tout à fait exact, car pour beaucoup la difficulté commence au premier... Mais peut-être, aujourd’hui, dans la vogue extraordinaire et la multiplication à l’infini de la production romanesque, ne se souvient-on pas assez de ce que doit être le roman : un genre qui a comme les autres ses lois, un art qui suppose un don et n’admet qu’un petit nombre d’élus. M. François Mauriac sait conter. Il sait faire vivre ses personnages. Moraliste, il nous initie à leur vie intérieure. Artiste, il a réfléchi aux conditions de son art : sa manière, d’une âpreté réfléchie et d’une sécheresse voulue, est bien à lui.

À vrai dire, il ne nous a conté jusqu’ici que d’assez lugubres histoires. Le Baiser au lépreux est l’histoire lamentable d’un infirme sur lequel la jeune fille qu’on lui a livrée se penche, avec dégoût et pitié, comme les saints imposant leurs lèvres aux lépreux. Genitrix est l’étude de cette déviation de l’amour maternel qui fait d’une mère terrible le tyran d’un fils trop aimé, le bourreau d’une belle-fille et d’elle-même. Dans le Désert de l’amour le personnage qui attire le plus vivement notre curiosité est celui d’un adolescent, le jeune Courèges, en qui nous imaginons que l’auteur a voulu peindre le jeune homme de maintenant. Le portrait n’est pas des plus séduisants. Égoïste, brutal et vaniteux, ce jeune homme sans générosité, sans illusions, sans rêve sans poésie, sans rien de ce que nous, les vieux, nous appelons la jeunesse, mérite-t-il d’être appelé un nouvel enfant du siècle ? Et faut-il croire qu’il n’y ait plus de jeunes gens ?... Que M. François Mauriac se rassure. Ce potache cynique existait déjà de notre temps. Il n’y a que les noms qui changent. Par exemple, la littérature d’aujourd’hui se montre très fière d’un type qu’elle croit nouveau et qu’elle nous donne pour être la jeune fille moderne. Notre temps connaissait déjà ces jeunes filles-là ; seulement, on les appelait alors les jeunes filles mal élevées.

Amour maternel, amour conjugal, amour, jeunesse, tout cela n’est-il donc que vanité et néant ? L’impression de tristesse qu’on emporte de l’œuvre de M. Mauriac est aussi bien celle qui lui donne sa date et la situe dans la littérature d’aujourd’hui. Elle reflète l’état de l’âme française au lendemain de la guerre, dans le désordre d’une paix qui a si cruellement déçu tant d’espérances. Une fois encore le désenchantement fait son apparition dans notre littérature. Espérons qu’il n’y fera que passer, et c’est le souhait que nous adressons à M. Mauriac lui-même. Il n’a peint jusqu’ici que des malades, des débiles ou des monstres, êtres anormaux dans des situations d’exception. Ces déchets d’humanité ne doivent pas faire tort à l’humanité. Si la littérature a un rôle à jouer et elle en a un, ce n’est certes pas de stériliser nos cœurs et de paralyser nos forces ; la vie a ses misères, nous le savons bien ; mais quoi ! elle est la vie !

À côté du prix du roman, l’Académie place le prix Paul Flat, qu’elle a soin d’attribuer pour moitié à un roman particulièrement remarqué, l’autre moitié devant récompenser un livre de critique. Le prix Paul Flat qui, d’après la volonté du testateur, est réservé à des écrivains âgés de moins de quarante ans, est allé cette année pour la critique à M. Meunier, auteur d’un livre excellent consacré à l’œuvre trop oublié d’Émile Montégut, et pour le roman à M. Martial Piéchaud, dont la Vallée heureuse nous a paru, elle aussi, dénoter un beau talent de romancier. Comme La Bruyère, à l’aspect de sa petite ville aimablement étagée sur un coteau et qui semble l’asile du bonheur, nous en dévoilait les sourdes menées et les intrigues ténébreuses, M. Martial Piéchaud, dans cette vallée pyrénéenne au cadre d’idylle, déroule un sombre drame de famille. Car lui non plus il n’a pas le sourire. Son analyse de l’égoïsme paternel fait un juste pendant à l’effroyable image que nous a donnée M. Mauriac de l’égoïsme chez une mère... Nous, cependant, déconcertés par les peintures de cauchemar où se complaisent ces censeurs impitoyables, nous nous demandons où ils ont observé cette famille française dont, après tout, nous avons, nous aussi, l’expérience, la longue expérience, et que notre observation de tous les jours nous montre si cordiale, si douce, et prête à tant de sacrifices !

Bien sûr, il y a des terres arides, il y a des sources empoisonnées. Et pourtant ! Faut-il perdre tout espoir ? J’en appelle à M. Armandy, titulaire du prix Maillé La Tour Landry, et à ses Réprouvés. Les « réprouvés », ce sont les Joyeux, les réfractaires, ceux que l’instinct, l’hérédité et l’exemple, ont conduits jusqu’au crime. Mais que ces forces obscures, qui bouillonnent en eux, reçoivent une direction meilleure, — et c’est justement le bienfait de la discipline militaire, — qu’un chef qui a su toucher ces ailles incultes et qui s’en est fait aimer, les guide vers un but glorieux : d’un bataillon de discipline vous faites une phalange de héros. C’est cette ascension vers le bien, cette montée dans la lumière que M. Armandy a su peindre avec une simplicité, une absence de rhétorique, qui font de son livre une sorte de livre d’or à l’actif de ces mauvais enfants rachetés par le courage et le dévouement suprême.

La vie ! À ceux qui, pas trop chargés d’ans, pas trop mal portants et suffisamment avantagés des biens de ce monde, se plaignent que la vie est mauvaise, je recommande la lecture de quelques-uns des livres auxquels nous décernons nos prix pour les ouvrages utiles aux mœurs. Avant tous les autres, je place ces admirables Paroles d’un revenant, du lieutenant Jacques d’Arnoux. Un revenant qui revient de loin, du plus profond de l’enfer de la guerre. Une première fois blessé comme fantassin, il repart comme aviateur. « Sur le Chemin des Dames, écrit son préfacier, M. Henry Bordeaux, engagé contre deux Fookers couplés, il voit tout à coup son avion descendre et filer vers les tranchées ennemies, et il s’aperçoit que le pilote a été tué. Un caprice de l’oiseau le fait piquer entre les lignes. Le choc lui brise la colonne vertébrale. Quand il se réveille de l’évanouissement, il s’ausculte et découvre que son être vivant se termine à la ceinture. Une lésion de la moelle épinière paralyse la partie inférieure du corps. La nuit qu’il a passée immobile sous les obus, l’arrivée d’une équipe de volontaires qui au péril de leur vie réussiront à le sauver, il faut lire dans le récit de Jacques d’Arnoux ce drame obscur et magnifique.

Sauvé, mais dans quel état ! Après l’agonie du champ de bataille, une autre agonie. Chaque jour désormais sera pour le vainqueur mutilé une lutte contre la souffrance. Eh bien, cette guerre nouvelle, il la gagnera. Il appliquera à la méditation, à l’art, à la littérature cette pensée que Dieu, à qui il offre son martyre, lui a laissée intacte et que l’épreuve a épurée. Pas une plainte ne s’entend à travers ce livre que M. Henry Bordeaux définit d’un mot : une école d’énergie, — un livre que nous voudrions, comme la Vie de Guynemer, comme la Vie de Jean Duplessis, voir entre les mains de tous nos enfants, pour nous former les hommes qu’il faut à la France.

Une école d’énergie aussi, ce carnet de route d’Alain Gerbault : Seul à travers l’Atlantique. Ah ! cette fois, la curieuse aventure, imprévue et paradoxale ! Dans notre époque de paquebots géants actionnés par la vapeur, reliés au monde entier par l’électricité, comment l’idée a-t-elle pu germer chez un de nos contemporains, de s’élancer, seul, sur une coque de noix, dans l’immensité et parmi les colères de l’Océan ? Quoi ! pas un compagnon à ce solitaire, pas un Vendredi à ce Robinson, pas une aide pour la manœuvre, et si la maladie fait mine de réclamer son passage, personne pour la jeter par-dessus bord ! Alain Gerbault a voulu toucher à l’extrême limite de l’endurance : il a fait du luxe. Il a été tenté par le retour aux conditions de la vie primitive dans notre milieu d’extrême civilisation ; il a voulu ressusciter en lui les émotions des premiers navigateurs ; les vers d’Horace vous reviennent à la mémoire :

Illi robur et aes triplex…

Oui, pour tenter l’audacieuse aventure, et sitôt revenu pour repartir, il fallait, avoir un cœur d’airain... et un médiocre besoin de la conversation de ses semblables.

Le spectacle de l’énergie est d’autant plus émouvant quand il nous est offert par des femmes. On a rendu, — combien justement ! — hommage au dévouement féminin qui a courbé sur la souffrance de nos blessés le visage miséricordieux de l’infirmière. On ne sait pas assez les services rendus aux armées par des femmes, courageuses et douées pour l’action, qui ont été de véritables combattantes. Nous l’apprenons par le beau livre que M. Antoine Redier intitule la Guerre des femmes. L’ennemi occupe la région du Nord ; les armées alliées ont besoin d’être renseignées sur ses mouvements : une femme, Louise de Bettignies, acceptera la difficile mission d’étendre sur la région de Lille un vaste réseau d’observateurs, de concentrer les renseignements, de les faire parvenir en Angleterre. Organisation compliquée, aux multiples ramifications, besogne de chef. Louise de Bettignies est ce chef. Aidée par son lieutenant, une jeune fille, Mlle Vanhoutte, elle suffit à tout.

Comment ? Par quel ensemble de qualités et de dons exceptionnels y réussit-elle ? Ce n’était pas assez d’une volonté de fer ; mais cette fine aristocrate y joignait une grâce, un charme auquel on ne savait, auquel on ne pouvait pas résister. Petite, le regard vif, la bouche rieuse, telle que nous la peint M. Redier, cette guerrière était femme, très femme, aimant à plaire, avec un rien d’enfantin, un besoin d’être gâtée, un rappel de faiblesse dans ce prodige d’énergie. Gaie, spirituelle, elle raillait la lourdeur de ses ennemis. Elle disait : « Ils sont stupides : avec n’importe quel papier qu’on leur plante sous le nez, — et du toupet, — on passe. »

Hélas, elle ne devait pas toujours passer ! Le jour allait venir, — il ne pouvait pas ne pas venir, — où arrêtée, emprisonnée, elle connaitrait l’horreur de la police, de la justice et de la geôle allemandes. Condamnée à mort, elle devait subir non la mort brève sous les balles, mais la mort lente par le cachot, par la maladie et par le froid. « Si les Allemands n’ont pas percé de balles son corps charmant, écrit son biographe, ce n’est pas qu’ils aient eu pitié ils avaient besoin qu’elle vécût pour la confronter avec ceux de son service qui tomberaient dans leurs mains. Ils l’ont tuée tout de même. Au lieu de la conduire au poteau d’exécution, ils ont mis deux ans à la faire mourir. Le 21 avril 1918, abreuvée de souffrances sans nom, sentant venir la mort, une horrible mort en prison, elle écrivait à la Supérieure du Carmel : « Oui, j’ai cette faiblesse de vouloir repousser la croix offerte et de regretter de n’avoir pas été fusillée. » Louise de Bettignies, devant vous comme devant une miss Cavell, nous nous agenouillons. Vous, Louise de Bettignies, et vos sœurs en vaillance, entrez dans l’histoire, où votre place est marquée à côté des vainqueurs de la guerre, afin qu’un jour devant ceux, s’il y en avait, qui seraient tentés d’oublier, votre image sacrée se dresse et leur rappelle l’âpre devoir qui ne vous a pas fait trembler, vous, les femmes.

Ici, Messieurs, comment oublierions-nous, quand nous avons à constater, chaque année, les vides creusés par la guerre dans l’intelligence française ? En décernant le grand prix Gobert au livre posthume d’Augustin Cochin sur Les Sociétés de pensée et la Révolution en Bretagne, nous avons été à même de mesurer quelle perte a été pour la science une mort qui est venue interrompre, en plein travail de production, cette féconde carrière d’historien.

Ce livre inachevé et fait de morceaux rattachés par une main pieuse, a sa douloureuse histoire. Augustin Cochin y travaillait depuis vingt ans. Passionné pour l’étude de ce grand fait qu’est la Révolution française, il avait pris pour point de départ les conclusions où s’est arrêté l’auteur des Origines de la France contemporaine. Taine avait mis en lumière le « mystère de l’époque révolutionnaire, c’est-à-dire l’apparition, la victoire et le règne de la nation jacobine, philosophe, sans culotte, patriote » ; c’est-à-dire encore la formation d’une petite cité « qui naît au sein de la grande, y croît, y domine enfin et pourtant, n’a rien de ses mœurs, de ses lois, de ses intérêts, de ses croyances ». Mais elle-même, cette Petite Cité, d’où tenait-elle son être, quels phénomènes sociaux avaient préparé et rendu possible son avènement ?

Pour serrer le problème de près, Augustin Cochin en avait poursuivi la solution dans un cadre soigneusement limité. Il avait résolu d’interroger une de nos provinces, d’apprendre d’elle comment s’expliquent à la fois la soudaineté et l’ensemble de sa transformation à la veille de la Révolution. Pour qu’elle ait d’un même mouvement, partout et en même temps, donné à tout son passé un si complet démenti, il ne se peut pourtant pas que cela se soit fait tout seul : il a fallu une machination savante, l’intervention d’une puissante Machine.

Voilà Augustin Cochin parti pour la Bretagne, fouillant les archives locales, accumulant les notes. La guerre éclate. Avec quel enthousiasme il répondit à l’appel de la patrie ! Dès le mois de septembre 1914, les combats de l’Aisne nous le renvoyaient le bras droit brisé. Je l’ai vu alors, à l’hôpital auxiliaire de Mlle Chaptal, où il attendait, si impatiemment ! l’instant de repartir pour le front. Je l’ai vu, le bras en écharpe, devant cette petite table chargée de livres, où l’officier redevenait historien. Et je n’oublierai jamais la flamme qui brillait dans ses yeux quand il me parlait de ses hommes, de la confiance qu’ils avaient en lui, de l’affection qu’il avait pour eux. Le portrait que j’ai essayé de tracer, ici-même, quelques jours après, du Soldat de 1914, n’était qu’un faible écho de sa parole ardente... Le livre que nous couronnons aujourd’hui est, lui aussi, un revenant. Ce sont les notes et dossiers qu’Augustin Cochin avait enterrés dans le jardin familial, pour les préserver des aléas de l’invasion, qui nous reviennent et nous rendent la pensée de celui qui allait devenir un maître.

Pendent opera interrupta... Augustin Cochin n’a pas eu le temps de donner à son œuvre sa dernière forme. Du moins a-t-il pu en accuser fortement l’idée maîtresse et l’accompagner d’un luxe de preuves. Il a, le premier, mis en lumière l’existence de ces Sociétés de pensée qui, sous des noms divers, Société d’agriculture, Société patriotique, Chambre de lecture, Bastion, Jeunesse, groupaient, de villes en villes, les oisifs, les inutiles et les agités. Il a le premier pénétré à l’intérieur de ces parlotes et de ces loges, vu comment elles fonctionnent, surpris leur mécanisme. Ces Sociétés de pensée, où l’on se réunit pour penser en commun et à vide, — « cités des nuées où l’on fait de la morale loin de l’action, de la politique loin des affaires, » — c’est là que va se fabriquer artificiellement l’opinion de minorités infimes, un fantôme d’opinion, qui par la suite et par la vertu d’une audacieuse propagande, s’imposera à la masse, — ou mieux : lui sera imposé — sous le nom mensonger d’« opinion générale » et de « vœu unanime ». Une fois constituée la Machine sociale, il n’est plus que de la laisser aller, de s’en remettre à elle d’une marche qu’aussi bien nul n’est plus en mesure d’arrêter. Désormais n’attendez plus rien de la liberté humaine, rien de la volonté des individus. L’individu ne compte plus ; plus rien d’humain ne subsiste. Entre le drame et ses acteurs, réduits au rôle de figurants, il n’y a plus de proportion ni presque de lien. Il n’y a plus que la Machine, mue par ses propres ressorts, obéissant à ses lois qui sont des lois mécaniques, aux nécessités de son engrenage fatal.

Cette étude de la Machine, dans le livre d’Augustin Cochin, fait pendant à la fameuse psychologie du Jacobin, dans le livre de Taine, et la complète. Ne craignons pas de le dire. Depuis Taine, rien n’avait paru d’aussi considérable sur l’histoire de la Révolution, rien qui marque davantage une étape et un progrès dans l’explication de cette histoire. Au point de vue de Taine, qui était tout, psychologique, Augustin Cochin ne substitue pas, mais juxtapose le point de vue sociologique. Et comme tout se répète dans la vie des peuples, ses conclusions allaient recevoir de l’effroyable cataclysme que vous savez une éclatante et sinistre confirmation. Cette Machine dont il a si parfaitement démonté devant nous les rouages, nous allions de nouveau la voir en train d’accomplir son œuvre de mort et faire d’un pays immense et prospère, ce cimetière d’une race et d’une civilisation qu’est devenue la malheureuse Russie.

Après le prix Gobert, qui est le plus ancien de nos grands prix et réservé à l’histoire, le grand prix de littérature. M. Gilbert de Voisins, à qui il est échu, a été formé dès l’enfance à ce culte de l’art qui devait être la passion de toute sa vie, ayant passé ses premières années auprès de la bergère d’une vieille dame, qu’il ne se lassait pas d’entendre lui conter un conte de fées qui était l’histoire de sa vie. Il y avait, dans ce conte, à défaut de pantoufles de vair, une paire de menus chaussons, que l’enfant s’émerveillait à manier, et qui étaient des chaussons de danse, ceux que portait, le soir de son dernier triomphe aux feux de la rampe et parmi les bravos, la fée de la danse qu’avait été cette grand mère, quand elle s’appelait la Taglioni. Puis ce fut l’heureuse rencontre d’un de ces maîtres bienfaisants dont l’influence s’étend sur toute une carrière, M. Jules Marsan : Gilbert de Voisins lui doit son éveil à la littérature. Grand voyageur, la nouvelle de la déclaration de guerre lui parvint, comme il allait entrer au Thibet. Il s’empressa de rentrer en France, pour faire tout son devoir. S’il a débuté comme poète et critique. M. de Voisins est surtout romancier. Le Bar de la Fourche inaugurait une forme qui, depuis, a fait fortune, celle du roman d’aventures. Mais les vrais artistes se doivent de ne point s’immobiliser dans une forme d’art. Très différente est cette poignante histoire de l’Enfant qui prit peur, — un enfant qui prit peur pour s’être trouvé trop tôt en face des réalités de la vie. Hier, M. de Voisins se plaisait à ressusciter, dans la fantaisie somptueuse du Jour naissant, le premier Noël de l’humanité. Œuvre abondante et variée, que sa qualité rare a isolée parfois du grand public et qui méritait de lui être signalée.

M. Victor Giraud, à qui est décerné le prix Broquette-Gonin, est un critique. Ce n’est pas une mince originalité dans notre temps. Nous avons des érudits, dont les savantes recherches s’adressent à des savants comme eux ; nous avons de charmants fantaisistes, qui mettent l’histoire littéraire à la portée des liseurs de romans ; nous manquons — et on s’en aperçoit aux flottements ou aux égarements du goût — de critiques, à la manière d’un Sainte-Beuve, d’un Taine, d’un Brunetière, ceux justement dont se recommande et que continue M. Victor Giraud Il avait suivi, à l’École normale, les inoubliables cours de Brunetière ; et je tiens de notre maître commun qu’aucun parmi ses élèves ne lui paraissait plus digne de poursuivre sa grande enquête sur la littérature française. À Taine il a consacré un remarquable essai. Mais celui qu’il a le plus pratiqué et avec le plus de profit, c’est ce Sainte-Beuve, en qui ses contemporains saluaient le prince de la critique et dont il a été beaucoup parlé, ces temps derniers, mais pour d’autres raisons, et dont on a un peu oublié qu’il est l’auteur du Port-Royal et des Lundis. M. Victor Giraud a beaucoup appris de ce critique de génie. C’est de lui qu’il tient le goût de la réalité psychologique, la prédilection pour le genre de l’essai et pour l’art du portrait. Cet art du portrait, M. Giraud l’a porté à la perfection dans sa galerie des Maîtres de l’heure, où revit une génération littéraire, celle qui va de Loti à Anatole France et à Maurice Barrès. À travers toute son œuvre circule une grande idée, c’est qu’« en littérature comme ailleurs, le problème religieux est au fond de tout ». Aussi n’a-t-il cessé de revenir à l’étude de Pascal : aujourd’hui il se consacre à ce grand ouvrage sur le Christianisme de Chateaubriand, où il aura mis le meilleur de sa pensée. C’est le rare mérite de M. Victor Giraud, qu’ayant reçu des mains d’un Lemaitre et d’un Brunetière, d’un Montégut et d’un Faguet, le précieux outil de la critique, il en ait encore aiguisé la finesse et accru la précision.

J’allais oublier de rappeler que M. Giraud, naguère professeur à l’Université de Fribourg, est de ceux qui ont été les bons ambassadeurs de l’influence française à l’étranger. L’Académie a coutume de décerner, pour services rendus à la langue française hors de France, un grand Prix de Langue française. Elle l’attribue cette année aux Marianistes du Japon, pour les aider à relever de ses ruines leur collège de Tokyo, l’Étoile du matin, entièrement détruit par le tremblement de terre de 1923. Que nous n’ayons pas au Japon de meilleurs agents de notre influence, tous ceux qui ont vu les Marianistes à l’œuvre s’accordent à le reconnaître, de M. Edmond Bapst qui fut ambassadeur à Tokyo, à notre confrère de l’Institut, l’actuel ministre de la Guerre, M. Painlevé. Parmi tant de témoignages qui nous sont parvenus, celui d’un rescapé de la catastrophe de 1923 nous a paru tout particulièrement émouvant. C’est M. Paul Claudel qui nous écrit :

« Il n’y a pas d’œuvre en Extrême-Orient qui ait rendu plus de services à la cause de la France et de la langue française, que la Société de Marie. Presque tous les hommes au Japon qui peuvent aider le représentant de la France de leurs conseils, de leur sympathie et de leur influence, sortent des écoles Marianistes. Sans elles, il serait presque réduit à l’isolement et à l’impuissance. »

Cette lettre ne semble-t-elle pas faire une sorte d’écho anticipé à celle que vous avez tous lue dans les journaux de ces derniers jours, cette lettre sur l’œuvre des Missions en Amérique du Sud, que des hommes éminents, — appartenant aux opinions politiques et philosophiques les plus diverses, mais avant ce trait en commun d’avoir vu les choses de leurs veux, — adressent à M. le président du Conseil. Témoins des services que nous rendent les Congrégations françaises établies en Amérique latine, ils constatent avec effroi que « ces congrégations sont condamnées à disparaître sous peu, par le fait que, depuis l904, elles ne sont plus autorisées à avoir en France les noviciats qui leur ont permis si longtemps de prospérer ». Aussi ces libres esprits, guidés uniquement par le souci de l’intérêt national, se tournent vers le gouvernement et lui font part de leur patriotique angoisse. De toutes nos forces nous souhaitons que leur voix soit entendue et que ce deuil nous soit épargné de voir, par l’effet d’un veto français, passer aux mains de l’étranger qui les guette, des œuvres indispensables à la sauvegarde de nos intérêts hors de France et au rayonnement du nom français.

Dans son désir d’aider tous ceux qui servent la cause de notre littérature et de notre langue, il arrive à l’Académie d’être fort embarrassée. Voici les cours populaires de Strasbourg-. Pouvions-nous leur attribuer le prix de langue française, pour services rendus à la langue française hors de France ? Mais des services rendus à la langue française en Alsace ne sont pas des services qui lui sont rendus au dehors. Nous risquions de transformer l’hommage en une injure, que nous n’admettions pas de faire à la chère Alsace... Grâce à l’abondance de nos fondations, tout a pu s’arranger, et le prix Estrade Delcros de 8 000 francs, dont nous pouvions disposer cette année, est venu à propos résoudre le problème et dissiper nos scrupules.

Ces cours populaires sont une des fondations de cet admirable et si regretté docteur Bucher qui, la guerre finie, n’a pas cru que sa tâche à lui fait terminée. Au lendemain de l’armistice, il groupait sous ce nom de cours populaires toutes les personnes qui, à Strasbourg, s’étaient consacrées à l’enseignement de la langue française dans les milieux populaires alsaciens. Il trouvait la plus dévouée des collaboratrices en Mlle Wust, à laquelle sont dus tous les hommages, pour avoir su, à quel prix ! maintenir à Strasbourg, sous la domination allemande, une école privée où les ouvrières venaient en cachette apprendre le français. Ces cours populaires se sont peu à peu transformés, adaptés à chaque nécessité du moment. Réduits à leurs seules ressources, vont-ils disparaître ? L’Académie a voulu s’associer à leur effort et rappeler ainsi avec quelle ferveur elle garde la mémoire de leur fondateur, qui fut pendant les plus dures années l’apôtre mystique de l’idée française en Alsace, et qu’aimait fraternellement notre grand Barrès.

Messieurs, c’est mon regret chaque année de ne pouvoir adresser à chacun de nos lauréats un juste tribut d’éloges, comme y réussissait jadis, avec tant de bonne grâce, Camille Doucet. C’est qu’il était plus habile que son très indigne successeur ; mais c’est aussi que le nombre des lauréats de l’Académie s’est considérablement accru. Je ne dirai certes pas qu’ils sont trop, mais ils sont cent cinquante-quatre !

Je voudrais tout au moins citer parmi les livres d’histoire, celui de M. Georges Hardy sur Le cardinal Fleury et le mouvement janséniste, qui lui a valu le second prix Gobert ; celui de la comtesse de Reinach-Foussemagne sur l’infortunée Charlotte de Belgique, impératrice du Mexique ; et un brillant, vivant Louis XVIII, où M. Lucas Dubreton a su montrer, comme l’a fait de son côté notre confrère M. de la Gorce, le service qu’a rendu à la France ce prince pour qui l’histoire est injuste, en gardant intacte, à travers tant d’épreuves et d’infortunes, la majesté royale.

Des femmes de grand talent prennent part à nos concours et y mettent une note de grâce. Mlle Marguerite Baulu, dans un roman qui pourrait être de l’histoire, Boulle et sa fille, évoque l’intérieur du fameux artiste Boulle ; cependant que Mme Marthe Bassenne, dans une biographie dont on dirait un roman, nous conte la prodigieuse aventure d’Aurélie Tedjani, princesse des Sables, cette petite couturière française qui s’en est allée régner au continent noir. Et Mme Henriette Celarié, que n’effraient pas la fatigue et les aléas du voyage, nous rapporte sur nos Sœurs Musulmanes des notes curieuses et charmantes.

Au chapitre de l’érudition, voici l’édition savante de la Nouvelle Héloïse où M. Daniel Mornet, par l’étude approfondie de la composition et du milieu, nous fait mieux comprendre le sens et la portée du chef-d’œuvre de Rousseau ; l’édition du Racine et Shakspeare de Stendhal, que M. Martino accompagne d’une piquante préface ; celle des Œuvres de Sarrazin, le poète galant du XVIIe siècle, que M. Paul Festugière a eu l’ingénieuse idée de réunir ; et ces Lettres d’Eugénie de Guérin à Louise de Bayne, publiées par M. Émile Barthes, deux volumes qui nous font entrer dans l’intimité de cette « sœur de grand homme », comme dit M. Giraud, et seront un livre de chevet pour les âmes éprises de perfection.

Pour le prix de poésie l’Académie avait désigné un émouvant sujet : Sur la tombe de Loti. Il a tenté un des meilleurs poètes d’aujourd’hui, connu par de brillants succès dans le livre et au théâtre. M. Miguel Zamacoïs n’a pas dédaigné de se mettre sur les rangs ; et il aura eu toutes les chances, puisque, tout à l’heure, il aura la joie d’entendre lire ses vers par l’incomparable lecteur qu’est Robert de Flers.

La tombe de Loti... Hélas ! une autre vient de s’ouvrir. Comment pourrais-je, si près de la mort de Jean Richepin, ne pas dire le vide que laisse parmi nous le départ du bon confrère, si aimé de tous, et du bon poète ? Nul ne savait comme lui sa langue, toute la langue française, depuis celle des gueux jusqu’à celle des maîtres du verbe, classiques ou romantiques. Nul n’était, plus que cet indépendant, le gardien fidèle de la prosodie, respectueux du rythme et de la rime. Il aimait à dire : « Personne n’est tenu de faire le saut périlleux sur les places publiques ; mais si vous vous en mêlez, vous êtes tenu de retomber sur vos pieds. » Il savait par cœur tous les beaux vers français et comme il les disait ! Avec quelle ardeur, avec quelle foi, il veillait sur ce joyau de notre patrimoine littéraire, la claire chanson du vers français !

Il avait retrouvé les qualités qui lui étaient chères dans les Muses champêtres de M. Louis Pize, l’Arc-en-ciel de Mme Rosemonde Gérard, les Lais de Gascogne et d’Artois de M. André Berry, les Feuilles claires de M. Louis Ducla, le Printemps derrière la vitre de M. Raymond Genty, les Poèmes de Mlle Suzanne Mercey, entre qui a été partagé le prix Archon-Despérouses. Le prix Davaine est allé à Mlle Amélie Murat pour son œuvre abondante et variée d’un si généreux lyrisme. Enfin pour le prix Capuran l’Académie a évoqué le poème, émouvant et justement célèbre, de M. Marc Leclerc : la Passion de mon frère le Poilu.

Parmi nos prix d’ensemble, le prix Vitet a été décerné à un journaliste de carrière, M. Stéphane Lauzanne ; le prix Née à Mme Marie Gasquet, qui porte si dignement le nom du regretté poète, Joachim Gasquet, et à qui nous devons, avec de charmants récits romanesques, de délicieux souvenirs de son enfance provençale. Le prix Kastner Boursault à M. Jean Nesmy qui évoque, en des récits tout parfumés de la senteur des bois, l’âme de nos forêts. Le prix Émile Augier à M. Lucien Besnard pour sa pièce jouée avec succès à l’Odéon : L’homme gai n’est plus de ce monde. Et voulez-vous une preuve encore de ce plaisir que prend l’Académie à associer dans ses récompenses les écrivains qui ont vingt-cinq ans et ceux qui les ont deux fois ? Elle avait encore à décerner deux prix de théâtre, les prix Toirac et Paul Hervieu. Les deux titulaires qu’elle a choisis portent le même nom : un Bernard au prix Toirac, un Bernard au prix Hervieu. De ces deux Bernard, l’un, Tristan Bernard, est le père ; l’autre, Jean-Jacques Bernard, est le fils. D’être couronnés ensemble, je crois bien que le père et le fils en ont éprouvé double joie. Nous nous y associons de tout notre cœur. Et je vois bien quelque différence entre l’art ironique et pince sans rire auquel nous devons l’Anglais tel qu’on le parle et le Petit Café, Triplepatte et l’École des quinquagénaires, et la sensibilité à la fois vive et discrète qui, dans le Feu qui reprend mal et dans Denise Marette, se devine aux nuances du dialogue, — et à ses silences. Mais c’est justement cette variété qui fait la richesse de notre littérature.

Sous des tendances qui semblent contradictoires, retrouver ce qu’elles enferment de conforme à l’esprit français ; de nouveautés où tout n’est pas viable, dégager ce qui peut se développer et s’épanouir : c’est une des tâches de l’Académie. Une autre consiste à maintenir, en dépit de conditions qui peuvent leur être défavorables, des genres essentiels à notre littérature. L’Académie est heureuse de constater qu’aucun de ces genres ne risque de disparaitre : à aucun d’eux ne manquent ni les vocations, ni les talents. C’est pourquoi elle refuse de s’associer aux doléances de ceux qui projettent sur l’avenir — ou sur le passé — les sombres couleurs de leur esprit découragé, ou injuste. Elle félicite ses lauréats d’avoir, une fois de plus, bien mérité d’une littérature que caractérisent sa diversité et cette inépuisable faculté de renouvellement qui fait son éternelle jeunesse.