Inauguration d'une plaque commémorative apposée sur la maison où est né le général Langlois, à Besançon

Le 30 novembre 1913

Alfred MÉZIÈRES

INAUGURATION D’UNE PLAQUE COMMÉMORATIVE

APPOSÉE SUR LA MAISON OÙ EST NÉ LE GÉNÉRAL LANGLOIS

À BESANÇON
Le Dimanche 30 novembre 1913.

DISCOURS

DE

M. ALFRED MÉZIÈRES
MEMBRE DE L’ACADÉMIE

 

MESSIEURS,

L’Académie française n’a fait qu’entrevoir le général Langlois. La mort nous l’a enlevé presque tout de suite après sa réception. Nous avons eu le temps néanmoins de reconnaître et de saluer au passage ses grandes qualités morales et intellectuelles.

C’est avant tout une âme de soldat. Les désastres de 1870 avaient laissé dans son esprit une impression ineffaçable. Depuis lors une pensée unique l’obsédait : prévenir le retour de semblables malheurs en perfectionnant notre outillage militaire, en poussant aussi loin que possible, sur la voie du progrès, l’éducation de l’armée française. Lui-même donnait l’exemple et se faisait l’apôtre d’idées soigneusement mûries sur l’emploi de l’artillerie à tir rapide, sur la liaison des différentes armes entre elles, sur les avantages de l’offensive, si conforme au tempérament français et beaucoup trop abandonnée en 1870.

Nous avions alors beaucoup péché par ignorance. Le général Langlois voulait que désormais nous n’ignorions rien de ce que faisaient les armées étrangères. Leur tactique, leur manière de combattre, leurs méthodes devaient être connues de tous nos officiers. Il fallait pour cela multiplier les enseignements. D’abord par l’École de guerre, où il professait, qu’il a même dirigée, puis par les journaux, par des publications militaires. Le général se dévoua à cette œuvre avec une infatigable persévérance. Partout où il pouvait placer quelques lignes il répandait la saine doctrine. Jamais cependant chez lui le théoricien n’étouffait l’homme d’action. C’est bien de savoir, de penser; agir vaut encore mieux. Jamais le général n’a méconnu les vieilles qualités qui ont rendu l’armée française si redoutable l’énergie, l’esprit de décision, l’audace. Il conseillait seulement de s’en servir mieux qu’on ne l’avait fait dans nos dernières épreuves.

Il disait tout cela dans le langage le mieux approprié aux circonstances, avec simplicité, avec clarté, avec force. Par là il nous appartenait bien, il se montrait digne du choix que l’Académie française avait fait de lui. Il disposait aussi d’un autre moyen d’action, la tribune du Sénat où l’avaient appelé la reconnaissance et l’admiration que la Lorraine conservait pour l’ancien commandant du 20e corps. Chaque fois qu’il prenait la parole, la haute Assemblée l’écoutait avec sympathie et avec respect. Sous le couvert des paroles l’auditoire devinait l’émotion intense de l’orateur, le prix qu’il attachait à la connaissance de la vérité. Il s’agissait pour lui d’une chose sacrée entre toutes : les intérêts de la défense nationale.

L’accent qu’il y mettait, le feu avec lequel il s’exprimait doublaient la force de ses raisonnements. Là encore se révélaient des qualités oratoires dont l’Académie française avait le droit d’être fière.

Malgré la haute situation qu’il occupait, le général Langlois était d’une modestie charmante. Il reportait sur l’armée française tout entière l’honneur que nous lui avions fait en l’élisant. Nous lui répondions qu’en effet nous avions voulu honorer l’armée, mais que nous n’avions pu trouver un meilleur moyen de le faire, qu’en choisissant l’un de ses représentants les plus qualifiés et les plus aimés.

L’image qu’il nous laisse est celle d’un admirable conducteur ou plutôt d’un entraîneur d’hommes. Nous la conservons pieusement comme une partie essentielle de notre patrimoine de gloire.